N°49 - Quel accueil à Rueil pour les réfugiés?

Bertrand de Segonzac, président de l'association S.O.L.E.I.L., est un vétéran de l'accueil des migrants à Rueil depuis des années, depuis les "Boat-people" vietnamiens jusqu'aux actuels migrants d'Afrique et du Moyen-Orient.

VDB : Qu'est-ce qui est compliqué en France pour un migrant ?

BdS : D'abord la langue : la plupart des réfugiés actuels maîtrisent un peu l'anglais et pas du tout le français. Ensuite, ce sont les réglementations et le labyrinthe administratif des démarches à engager pour vivre régulièrement en France. Pas d'autre solution, pour ceux qui veulent se prendre en main, que de trouver du travail au noir (souvent avec des faux papiers) et de rechercher la préfecture qui voudra bien leur donner une carte de séjour dans un délai acceptable. Il n’y a pas de règle générale : l'attente est d'une semaine dans certaines préfectures et de plusieurs mois dans d'autres… Certaines régions, où il est facile d'obtenir une carte de séjour, ne sont pas des endroits attractifs pour les réfugiés : ils n'y trouvent pas de travail, ils n'y trouvent pas de communauté d'accueil.
Ensuite, pour ceux qui ont "gagné" le droit de rester au moins un temps, les aides (APL, RSA ou autres allocations) sont assez faciles à obtenir, mais, elles sont trop souvent reçues comme un dû. La plupart ne se rendent pas compte que ces aides résultent d'une solidarité nationale. Certains "profitent" du système de façon anormale, par exemple quand ils louent cher à un immigré pour toucher plus d'APL. La recherche de "toujours plus" est autant présente chez les immigrés que chez les Français !
Pour en revenir à ce qui est compliqué en France, il faut citer la sortie du logement temporaire pour trouver un logement "définitif", en HLM ou sur le marché privé. Dans beaucoup de communes, il n'y a pas assez de logements accessibles. Le regroupement familial (officiel ou non) rend difficile l'accès à des logements aidés correspondant à la taille de familles parfois nombreuses.  

VDB : L'association SOLEIL est récemment devenue une antenne d'Habitat et Humanisme, pourquoi ?

BdS : C'est exact, SOLEIL est devenu l'antenne "Nord 92" d'Habitat et Humanisme. Cela s'est fait en accord avec les mairies pour avoir une meilleure efficacité et pour susciter plus de bénévoles. Nous sommes une quinzaine actuellement, on aurait besoin d'être trente !
Le principe est de proposer des logements à des personnes en difficulté, pour une durée limitée avant un retour dans le circuit standard des HLM (ou des logements libres). L'association loue à des propriétaires un appartement et en paye le loyer. L'association propose  la remise en état à la fin du contrat et dans certains cas une aide fiscale. La famille accueillie paye un loyer symbolique (en complément des APL reçus par l'association). Elle est suivie par des bénévoles qui veillent à ce que cette famille devienne autonome, gère correctement son budget et sorte au plus vite de la difficulté.
Normalement, les logements passerelles sont pour une durée de 6 mois (renouvelable une fois), mais en pratique, il faut souvent plus de 2 ans à une famille pour retrouver son autonomie.
Les familles accueillies ne sont jamais des clandestins; au moins 10% d'entre elles sont des familles explosées, décomposées ou recomposées, confrontées au chômage. Ce n'est pas réservé aux migrants.
Le bénévole consacre en moyenne une heure par semaine pour visiter ou prendre des nouvelles de la famille dont il est le parrain. Il faut être capable d'écoute et d'empathie. Une fois par mois, il y a une réunion entre bénévoles pour partager et s'entraider.
Les familles accueillies sont sollicitées pour participer (2 demi-journées par an) à un "club des locataires" où ils partagent leurs expériences, réfléchissent à leurs comportements et à leurs responsabilités.
L'association travaille avec les mairies pour réhabiliter des logements, les utiliser comme "passerelles" ou comme logements pérennes attribués selon les besoins.
Nous avons besoin d'être plus nombreux, venez nous rejoindre !