N°48 - Le point de vue d'un médiateur conjugal

Yves Le Corre, vous êtes médiateur conjugal à Issy-les Moulineaux, et par ailleurs diacre du diocèse de Nanterre, et vous avez écrit un livre « Divorcer sans se détruire ». En quoi consiste votre mission de médiateur ?
YLC : Le médiateur conjugal intervient à tous moments, avant ou pendant la procédure judiciaire proprement dite et a pour objectif d’amener les époux qui ont engagé cette procédure à trouver un terrain d’entente pour régler à l’amiable les contentieux issus du divorce : garde des enfants, répartition du patrimoine etc.
VDB : Cette démarche a-t-elle quelque chose à voir avec le pardon ?
YLC : Oui, bien sûr : si les époux restent dans l’affrontement, je ne pourrai rien faire. Il faut donc qu’ils aillent au-delà de cet affrontement, de ce désir de faire payer l’autre qu’ont souvent les femmes, qui sont à l’origine de près de 75% des demandes de divorce. Comme le dit le philosophe O. Abel, « le pardon est un processus d’annulation de la dette. Il délivre du poids du passé comme de l’angoisse du futur, parce qu’il brise la loi de la dette dans une société où celle-ci mène le jeu et où tout est compté ».
VDB : Comment procédez-vous pour les faire sortir de cette attitude d’affrontement ?
YLC : Il faut faire en sorte qu’ils puissent se mettre à la place de l’autre. Par exemple, il faut que le mari qui veut vendre la maison commune réalise que sa femme a besoin de cette maison pour continuer à s’occuper des enfants. Et la femme demande souvent que le mari bien sûr reconnaisse ses torts, mais spécifiquement « lui paye le prix de sa souffrance » afin que celle-ci soit reconnue. Il faut arrêter la spirale de la vengeance, faire « déposer les armes ».
VDB : Vous arrive-t-il de faire en sorte que les époux se réconcilient ?
YLC : Cela peut arriver quand chacun accepte de voir l’autre. Mais c’est très rare, car le lien est en général rompu de façon trop avancée pour qu’on puisse « recoller les morceaux ». Ce n’est pas d’ailleurs le but recherché. Notre objectif est que chacun puisse « quitter le champ de bataille sans avoir le sentiment d’avoir capitulé », et retrouve la sérénité, afin de pouvoir redémarrer une nouvelle vie sans ruminer sa culpabilité ou sa rancœur.
VDB : Vous qui voyez arriver tant de couples qui se déchirent, à quoi attribuez-vous le nombre grandissant des divorces aujourd’hui ?
YLC : Les hommes qui cèdent à l’infidélité, qui est à l’origine de beaucoup de divorces, ne réalisent pas que par leur infidélité ils détruisent la confiance et par là même le nid familial. Et le plus souvent, les époux n’arrivent pas à se pardonner.
VDB : Pourquoi cette difficulté du pardon ?
YLC : Parce que le vrai pardon est impossible à l’homme seul. Nous pouvons nous engager dans des chemins de pardon ; c’est ce que font les couples que je rencontre quand ils acceptent de dépasser leur conflit, ce qui est déjà considérable. Mais le vrai pardon est au-delà. Il est hors de notre portée, car il vient de Dieu: le Christ seul abolit l’impardonnable.

A lire: « Comment pardonner ? » J. MONBOURQUETTE – Bayard 2012

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